Pour généraliser notre approche, il est nécessaire à présent de pouvoir
considérer des séquences infinies de et de
. C'est le concept d'ordinal
qui va nous permettre de réaliser une telle extension. De nos jours, cette
notion, bien que très naturelle dans le cadre de la théorie des ensembles, a
quasiment disparu de l'enseignement des mathématiques. Nous allons donc
poursuivre notre découverte des nombres surréels en étudiant la définition des
ordinaux et quelques unes de leurs propriétés essentielles. Il ne s'agit ici que
d'une courte introduction à ce sujet, le lecteur trouvera de plus amples
informations dans l'ouvrage de J.-L. Krivine [5] ou dans celui de A. Levy [6].
On dit d'une relation d'ordre sur un ensemble que c'est une relation de
bon ordre si toute partie non vide de
possède un plus petit
élément. Une conséquence immédiate de ceci est qu'une relation de bon ordre est
une relation d'ordre total (il suffit de considérer toutes les parties de
comportant exactement deux éléments). Un ordinal est un
ensemble
tel que :
Observons pour commencer quelques propriétés élémentaires que nous justifierons (ou pour lesquelles nous donnerons le point essentiel de la démonstration).
Passons aux premiers exemples : l'ensemble vide est le plus petit ordinal. En
tant qu'ordinal, on le note 0. Si est un ordinal alors l'ensemble
est le plus petit ordinal supérieur à
. On le
nomme successeur de
et on le note
. Ainsi les
ensembles
,
,
,
etc. sont des ordinaux, nommés ordinaux finis. On les note respectivement
1, 2, 3, etc. ( 9 )
Un ordinal non nul est un ordinal limite, s'il ne possède pas de
prédécesseur, c'est-à-dire s'il n'existe pas d'ordinal
tel que
. Un ordinal
est infini s'il existe un
ordinal limite
. L'existence d'ordinaux infinis est la
conséquence directe de l'un des axiomes de la théorie des ensembles. On démontre
que la collection des ordinaux finis, noté
, est le plus petit ordinal
infini ( 10 ).
Si l'on comprend aisément à quoi correspondent les ordinaux notés ,
,
... la question se pose de savoir si l'on peut
donner un sens à l'expression
.
Propriété Si A est un ensemble non vide d'ordinaux, alors A possède une
borne supérieure , qui de plus vérifie
.
On définit ainsi l'addition naturelle ( 11 ) de deux ordinaux et
comme
suit. Pour
, on pose :
sinon on pose :
.
On définit, de la même manière, une multiplication naturelle, ce qui permet de
donner un sens à des expressions telles ou
. Ainsi
dotés d'une addition et d'une multiplication, les ordinaux peuvent être
considérés comme une extension des entiers naturels. Le principe de récurrence
lui-même connaît un prolongement nommé principe d'induction :
Considérons un énoncéà une variable libre. Pour démontrer que
est vrai pour tout ordinal
il suffit de montrer que pour tout ordinal
, si
est vrai pour tout
alors
est vrai.
Ce principe nous assure entre autres de la possibilité de poser des définitions par induction sur les ordinaux de même qu'il est possible de poser des définitions par récurrence sur les entiers naturels.