Infiniment petits et infiniment grands

La collection des nombres surréels contient en particulier l'ordinal $\omega$. C'est donc un infiniment grand positif, puisqu'il est supérieur à tout nombre réel. Nous allons, afin de pouvoir effectuer des calculs sur ce nombre, énoncer les deux théorèmes de cofinalité.

Notons $(\textrm{E} ; \textrm{F})$ et $(\textrm{E}' ; \textrm{F}')$ deux couples d'ensembles de nombres surréels. On dit que $(\textrm{E}' ; \textrm{F}')$ est cofinal dans $(\textrm{E} ; \textrm{F})$ si pour tout $\alpha\in\textrm{E}$, il existe $\beta\in\textrm{E}'$ tel que $\beta\geqslant\alpha$ et si pour tout $\alpha\in\textrm{F}$, il existe $\beta\in\textrm{F}'$ tel que $\beta\leqslant\alpha$.

Théorème 1    Si $(\textrm{E} ; \textrm{F})$ et $(\textrm{E}' ; \textrm{F}')$ sont mutuellement cofinaux l'un dans l'autre, alors $\textrm{E}\downarrow \textrm{F} = \textrm{E}'\downarrow \textrm{F}'$.

Théorème 2    Soit $\alpha$ un nombre surréel. Si $\alpha =
\textrm{E}\downarrow \textrm{F}$, si quels que soient $x\in\textrm{E}'$ et $y\in\textrm{F}'$, $x<\alpha <y$, enfin si $(\textrm{E}' ; \textrm{F}')$ est cofinal dans $(\textrm{E} ; \textrm{F})$, alors $\alpha =
\textrm{E}'\downarrow \textrm{F}'$.

Déterminons, à titre d'exemple, à quelle séquence correspond $\omega - 1$. On remarque que $\textrm{G}(\omega)=\omega$ et $\textrm{D}(\omega)=\varnothing$, de plus on rappelle que $\textrm{G}(-1)=\varnothing$ et $\textrm{D}(-1)=\{0\}$. Ainsi

\begin{displaymath}\omega - 1 = \{n-1 \vert n\in\omega\}\downarrow\{\omega +0\} =
\omega\downarrow\{\omega\}\end{displaymath}

d'après le théorème 1. On se convaincra assez facilement que l'expression précédente correspond à la séquence formée par $\omega$ signes $+$ suivis d'un signe $-$.

Observons, de même, à quelle séquence correspond $\omega + \frac{1}{2}$. On rappelle que $\textrm{G}({1\over2})=\{0\}$ et $\textrm{D}({1\over2})=\{1\}$. Ainsi

\begin{displaymath}\omega + \frac{1}{2} =
\Big(\big\{n+\textstyle{1\over2} \big...
...Big)\downarrow\{\omega +1\} = \{\omega\}\downarrow\{\omega +1\}\end{displaymath}

toujours d'après le théorème 1. On en déduit que $\omega + \frac{1}{2}$ correspond à la séquence formée par $\omega + 1$ signes $+$ suivis de un signe $-$.

Pour conclure sur les calculs concernant $\omega$, voici deux autres résultats (un peu plus difficiles à obtenir) :

Soit $\varepsilon$ le nombre surréel correspondant à la séquence de longueur $\omega$ commençant par un $+$ puis formée exclusivement de $-$. On constate aisément que le nombre $\varepsilon$ est infiniment petit, plus précisément que c'est le seul infiniment petit positif de longueur $\omega$.

Démontrons que $\varepsilon$ est l'inverse de $\omega$. Nous allons pour cela déterminer le produit $\varepsilon\cdot\omega$. On a $\textrm{G}(\varepsilon)=\{0\}$ et $\textrm{D}(\varepsilon)=\{2^{-n} \vert n\in\omega\}$ (en utilisant le théorème du paragraphe 4 de la première partie). Par conséquent

\begin{eqnarray*}
\varepsilon\cdot\omega & = &
\big\{0\cdot\omega + \varepsilon\...
...cdot m - 2^{-n}\cdot m \big\vert n\in\omega, m\in\omega\big\}
\end{eqnarray*}

Nous allons utiliser le théorème 2 pour conclure. Nous avons $1=\{0\}\downarrow\varnothing$. De plus, $\varepsilon$ étant infiniment petit, alors pour tout entier naturel $m$, $\varepsilon\cdot m < 1$. En outre, il est aisé d'établir que $2^{-n}\cdot\omega + \varepsilon\cdot m - 2^{-n}\cdot m$ est infiniment grand et donc que pour $n$ et $m$, entiers naturels, ce nombre est supérieur à 1. Enfin, la condition de cofinalité est évidemment vérifiée puisque, pour tout entier naturel $m$, $\varepsilon\cdot m>0$. Ainsi $\varepsilon\cdot\omega = 1$.

Voici, à propos de $\varepsilon$, deux autres résultats que le lecteur pourra, s'il le souhaite, essayer de retrouver :


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